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Ode à Olympe de Gouges

  • Marion
  • 7 févr. 2016
  • 4 min de lecture

Portrait de Marie Gouze, dit "Olympe de Gouges" (1748-1793), par A.Kucharski

Chère Olympe :

Aujourd'hui je prends la plume pour vous rendre l'hommage que vous méritez. Que d'actions avez-vous porter dans votre vie qui ne furent pas portées à leurs justes valeurs.


Vous, fille du peuple, née en 1748 d'une union adultère, d'un père amant des lettres et surtout marquis (peut-être coulait-il dans vos veines cet amour des belles lettres et de l'écriture) et d'une jeune fille du peuple, votre destin semblait scellé dès l'âge de 17 ans, lorsque l'on vous fit épousé Pierre Aubry.


Vous, la futur révolutionnaire, la féministe avant l'heure, la femme qui portait plus de courage que mille hommes, vous, vous fûtes mariée de force, et condamnée, comme de nombreux sujets féminins, à être cataloguer d'épouse et de mère!

Comme un coup ironique du sort, ou comme si le destin en avait voulu autrement, vous devenez veuve l'année suivante, avec un fils à charge.


C'est le déclic. Avant même que n'éclate la Révolution Française, avec sa Marianne, sa Marseillaise, et sa première République, vous décidez de faire votre propre révolution. Plus de mariage, plus d'attachement masculin, mais bien une liberté nouvelle et découverte. Marie Gouze, dit la veuve Aubry n'est plus. Désormais, appelez moi Olympe de Gouges!


Dès lors, vous vous déplacez dans la capitale, et vous vous destinez au théâtre. Première pièce, première polémique : vous nous apportez déjà un vent de révolte et de dénonciation. A une époque où un certain code déshumanisait les hommes et les femmes noirs, vous publiez Zamore et Mirza ou l'heureux nauvrage qui est très vite censuré. Comment une femme peut-elle oser mettre en avant la dénonciation du racisme, de la misogynie et de l'irrespect ambiant présent à la Cour de Louis XVI ? Mais impossible n'est pas Olympe.


Vos opinions, votre combat s'affinent et se confirment. Vous militez pour la justice, pour l'égalité homme-femme, contre la peine de mort (plus surprenant, au nom de votre combat contre la peine capitale, vous vous portez volontaire pour devenir avocate du citoyen Louis Capet, dit Louis XVI). Et bien sûr, vous militez pour les femmes citoyennes.


En 1791, vous publiez La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, dédiée à la Reine Marie-Antoinette, « première de toutes les femmes ». Le premier article dit ceci : « La femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits ». Sans le savoir, ma chère Olympe, vous venez de créer un nouveau courant : le féminisme. Car au fond, qu'est ce que le féminisme, si ce n'est le désir profond une parfaite égalité à tous les niveaux entre les hommes et les femmes ?


Or, ce ne sont pas ces idées révolutionnaires qui posèrent le plus de soucis. Ce fut la suite des événements, avec l'arrivée de la Terreur, avec à sa tête Robespierre, homme de lettres qui fût parmi les premiers à renverser l'ordre politique établi… Mais à quel prix ? Il ne faisait que remplacer les injustices présentes dans la Monarchie par une dictature. Et vous, Olympe, vous l'aviez bien compris. Et vous l'avez écrit dans votre pamphlet du 20 juillet 1793 nommé Les trois Urnes. Accusée « d'attentat à la souveraineté du peuple », le combat que vous meniez vous est fatale. Alors que la guerre était déclarée entre vous et la guillotine, c'est cette dernière qui eu le dernier mot.


Ce n'est pas seulement pour replacer votre biographie qu'aujourd'hui je vous écris Olympe. Olivier Blanc, historien de son état, le fit mieux que moi en publiant une biographie vous concernant en 1981.


C'est parce qu'en tant que citoyenne, en tant que femme, et n'ayons pas peur de le dire, en tant que féministe, je ne comprends pas encore pourquoi on parle peu de vous dans les livres scolaires, pourquoi votre place fut refusée au Panthéon en 2014, pourquoi on ne parle pas de vous comme la vraie révolutionnaire que vous étiez.

Avant Charles de Gaulle et le droit de vote des femmes en 1945, il y avait vous. Avant Simone de Beauvoir et ses écrits, il y avait vous. Avant le Pacs, il y avait vous. Avant Causette, il y avait vous.


Comment se fait-il qu'on ne parle pas de vous comme étant la pionnière du divorce (vous parliez vous même du mariage comme « le tombeau de la confiance et de l'amour »), du PACS (en proposant un contrat social entre l'homme et la femme), l'aide aux femmes, aux mères (avec la féminisation des métiers ou la création de maternités) ?


Toutes ces idées sont réelles mais n'ont été mis en place qu'au XXème siècle, soit plus d'un siècle après votre mort. Vous avez ouvert la voie de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Vous avez construit les premiers édifices du féminisme. En un mot, vous avez bâti un morceau à vous seule de la République.


Pour le moment, aucune République n'a condamné la Terreur et n'a mis en avant votre combat dans la bataille. Il faut avoir l'espoir, comme vous, qu'un jour, vous aurez votre place dans le coeur de la République. Anne Hidalgo, aujourd'hui maire de Paris, avait proposé en 2013 de vous laisser une place au sein du Panthéon, là où reposent les plus grands personnages de l'Histoire. Cette place vous fut refusé. Allez courage, mon Olympe. Ne baissons pas les bras, et gardons espoir. Montrez nous la voie, une fois de plus. Votre combat ne sera pas vain.


Bien à vous,

Marion


PS : l'équipe d'Instants Femmes profite de cet hommage épistolaire pour apporter un coup de coeur à une bande dessinée, consacrée à votre vie et à votre oeuvre. Publié chez Casterman Ecritures, et confectionné avec soin par Catel et Bocquet, Olympe de Gouges est une bande dessinée de qualité et qui apporte les Lumières et leur bibliographie sur un plateau, ainsi que certains de vos contemporains, qui vous furent favorables ou non.

En espérant que vous en apprécierez la lecture, autant que nous l'avons adoré!


La couverture de la Bande Dessinée biopic Olympe de Gouges .

Crédit : © Casterman ecritures





 
 
 

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